Deux minutes fatales
rideau
Les dauntless
Quand les derniers torpilleurs américains s'éloignent. Nagumo pense que le plus dur est fait. Les Américains se sont acharnés pendant trois heures sur son escadre et ses précieux porte-avions sont toujours intacts. Pourtant, leur belle ordonnance du début a été sérieusement perturbée par les manoeuvres d'évitement des torpilles. Les quatre porte-avions naviguent sur une ligne brisée s'étirant approximativement du sud-ouest au nord-ouest.
Après avoir récupéré les avions revenus de Midway à 9h38, les Japonais travaillent avec frénésie pour armer leur groupe d'attaque. Toutefois, comme il faut laisser apponter, ravitailler et faire à nouveau décoller les Zéro en couverture de la flotte, l'heure du lancement de la vague d'assaut doit être repoussée. À 10h20, sous le parapluie aérien de 44 Zéro, Nagumo se prépare à lancer ses avions contre les porte-avions américains.
Or, les Japonais vont commettre une énorme erreur. Au lieu de prélever la vague d'attaque sur seulement deux porte-avions, pour permettre aux deux autres de prendre soin des chasseurs du parapluie aérien, ils vont la prélever sur les quatre porte-avions. En attendant, les pilotes de chasse japonais exultent. En trois heures, ils ont abattu 158 avions américains, tous entre le niveau de la mer et 900 mètres d'altitude. Ce détail a son importance, car si l'heure n'est pas au doute, une trop grande assurance entraîne souvent de graves négligences.
dauntless à midway

10h02 — Les déductions de McClusky
Recherche escadre japonaise désespérément.  McClusky, à la tête des escadrilles de I' Enterprise (31 Dauntless en tout), a calculé qu'il doit tomber sur l'escadre japonaise à 9h20. Mais à l'heure dite, elle n'est pas au rendez-vous et McClusky commence à se poser des questions :
« Parvenu au point estimé de contact, la mer était vide. Pas un bâtiment jap en vue. Un coup d'oeil rapide à ma carte m'a convaincu que je n'avais pas dévié. Qu'est-ce qui se passait ? Avec cette visibilité, il était certain que nous n'étions pas passés sans les voir. En tablant sur leur vitesse maximale de 25 noeuds. j'étais certain qu'ils ne pouvaient pas être dans mon demi-cercle gauche, c'est-à-dire entre ma position et l'île de Midway Alors, ils devaient se trouver dans le demi-cercle droit après avoir changé de cap vers l'est ou l'ouest ou, plus probablement, fait demi-tour. Pour tabler sur un possible virage vers l'ouest, j'ai décidé de voler vers l'ouest pendant 56 km, puis de virer vers le nord-ouest exactement à l'inverse de la manoeuvre japonaise. Après avoir pris cette décision, mon souci suivant était de savoir jusqu'où nous pourrions aller. Nous avions grimpé, lourdement chargés, à une haute altitude. Je savais que les avions qui me suivaient utilisaient probablement plus d'essence que moi. Alors, après un autre calcul rapide, j'ai décidé de maintenir le cap  jusqu'à 10h00, puis de virer vers le nord-est avant de prendre la décision finale de mettre un terme à la pour­suite et de rentrer. »
Au moment où il finit par douter de ses propres conclusions, à 09h55, le destin place sur sa route un superbe poteau indicateur : le destroyer Arashi.
À 08h25, le sous-marin Nautilus a tenté de torpiller sans succès un cuirassé japonais. Nagumo a détaché l'Arashi pour s'occuper du submersible américain au moment où lui-même met le cap au nord. Lorsqu'il est survolé par McClusky, Arashi, qui a perdu le contact avec le Nautilus, fait route à pleine vitesse vers le nord pour rattraper l'escadre. McClusky n'a aucun doute : le commandant du destroyer et lui-même ont bien la même intention, rejoindre Nagumo. Pas pour les mêmes raisons, bien évidemment !
Il est 10h02 quand McClusky envoie le message suivant :
« Ici McClusky, ai repéré l'ennemi.»
10h22    McClusky attaque le Kaga
« Il était 10h22 quand j'ai commencé l'attaque, partant en demi-tonneau pour piquer à un angle de 70°. A peu près à mi-chemin, la DCA à commencé sa danse, notre approche jusque là ayant dû être une totale surprise. Alors que nous arrivions à notre altitude de lancement, la chance s'est mise à nouveau de notre côté. Le pont des deux porte-avions ennemis étaient bondés des avions qui revenaient de leur raid sur Midway. Par la suite, on a appris qu'au moment où nous avions découvert la force  japonaise un hydravion ennemi avait repéré nos propres forces. Apparemment. les avions sur le pont étaient en train d'être ravitaillés pour un raid contre nos porte-avions. [...] « Entre-temps, nos bombes faisaient mouche. J'ai redressé à la hauteur des mâts, trouvé l'ouverture dans leur écran de défense et plongé au ras  des flots, m'imaginant que tout tir dirigé contre moi serait aussi dirigé contre leurs propres vaisseaux. Leur DCA devait être sacrément occupée ailleurs, parce que j'ai traversé leur écran avant d'avoir noté des éclats derrière moi. Avec la manette des gaz pratiquement encastrée dans le tableau de bord, j'ai eu la chance d'éviter le contact avec la mort en changeant d'altitude et en zigzaguant sans arrêt.

midway

« Ce ne fut pas trop compliqué de trouver le cap de retour et, quand j'ai levé la tête de mes cartes, des traçantes ont frappé l'eau tout autour de l'avion. Presque tout de suite après, mon mitrailleur arrière, Chochalousek, a ouvert le feu. Puis, un Zéro jap m'a dépassé plein pot. Un coup d’œil furtif m'a fait découvrir un autre Zéro derrière, au‑dessus et sur la gauche, prêt à attaquer. Restant à 6 mètres au-dessus de l'eau, j'ai attendu que l'assaillant entame sa passe en piqué, puis j'ai brutalement viré dans sa direction. Non seulement, cela l'a obligé à effectuer une importante correction de tir, mais cela a donné plus de champ à mon mitrailleur. Il s'en est suivi une poursuite de cinq minutes environ avec d'abord un Zéro attaquant par la droite, puis un second par la gauche. Chaque fois, je répétais la même manoeuvre et Chochalousek tirait constamment. Tout à coup, une rafale d'un Jap a semblé engloutir tout l'avion. Le côté gauche de mon habitacle était fracassé et j'ai cru que mon épaule gauche avait été écrasée par un marteau-pilon. Sans aucun doute, la fin était proche. Après deux ou trois secondes, je me suis rendu compte qu'il n:v avait plus aucun bruit à l’exception du ronronnement du moteur du vieux Dauntless. Attrapant l'interphone j 'ai appelé C'hochalousek, mais je n'ai pas eu de réponse. J'avais du mal à me retourner avec la douleur qui me paralysait l'épaule et le bras gauches. mais j'ai fini par y arriver et j'ai aperçu le mitrailleur regardant droit devant lui, armes intactes et prêtes à ouvrir le feu. Il avait abattu l'un des deux Zéro (probablement celui qui nous avait touchés) et l'autre avait décidé de laisser tomber. Nous avons découvert que notre appareil avait été atteint à 55 reprises. »
À cinq secondes d'intervalle, les 28 Dauntless piquent sur les porte-avions japonais. Les vigies les repèrent beaucoup trop tard Le Kaga parvient à éviter les trois premières bombes. Mais pas la quatrième. La bombe du Lieutenant Gallaher pénètre par le pont arrière dans le hangar et explose au milieu des avions qui y sont parqués. L'essence se répand partout et un gigantesque incendie éclate en quelques secondes. il se communique en quelques secondes aux torpilles et bombes bien imprudemment stockés à même le hangar.
En voyant le résultat de l'attaque Kleiss, qui suit, choisit de déposer son oeuf au milieu de l'énorme soleil rouge peint sur l'avant du pont. La bombe explose devant l'ascenseur. Derrière Kleiss, Dexter se montre tout aussi adroit en visant le flanc tribord juste en avant du château. La chance veut que sa bombe touche de plein fouet une citerne mobile qui explose aussitôt en projetant de l'essence enflammée sur tout le château. Le commandant du porte-avions Okada et une grande partie de son état-major sont tués sur le coup. Une quatrième bombe, celle de Dickinson, fait mouche en plein centre du pont. Quand le dernier Dauntless redresse, le Kaga n'est plus qu'un véritable brûlot flottant ravagé par de violents incendie de la proue à la poupe.
En redressant de leur piqué, McClusky et ses dautless tombent sur une formation de Zéro. Les premiers passent à travers. mais les suivants sont attendus au moment où ils effectuent leur ressource, sans avoir le temps de se remettre en formation. Toutefois, la plupart des chasseurs japonais sont à court d'obus de 20 mm et comme les Dauntless sont allégés de leur bombe et de 880 litres d'essence sur les 1 150 chargés au décollage, ils se révèlent une proie difficile à abattre. D'une manière très surprenante, aucun Dauntless ne sera abattu par les Zéro et les 27 survivants (un seul ayant été abattu par la DCA pendant l'attaque) s'échappent définitivement à 10h45.
Leur calvaire n'est pourtant pas terminé, moins de la moitié ayant assez d'essence pour regagner les porte-avions.

la fin des porte avions de nagumo

En cent vingt secondes, Nagumo vient de perdre les trois quarts de sa force offensive. Fuchida, monté sur le pont de l'Akagi, n'a jamais oublié ces deux minutes fatales :
L'officier du pont abaissa un drapeau blanc et le premier Zéro prit de la vitesse et s'élança. A cet instant, une vigie cria . Je levai les yeux et aperçus trois avions ennemis noirs en train de piquer sur notre navire. Des mitrailleurs parvinrent à lâcher quelques rafales frénétiques, mais il était trop tard. Les silhouettes rondelettes des bombardiers américains Dauntless grossirent rapidement. puis un certain nombre d'objets noirs se mirent à flotter d'une manière inquiétante sous leurs ailes. Des bombes !  Elles venaient droit sur moi ! Je me jetai sans réfléchir à plat ventre sur le pont et rampai à l'abri d'une plaque de protection d'un poste de commandement.
Le hurlement terrifiant des bombardiers en piqué m'arriva en premier aux oreilles, suivi par le déchirement d'une bombe explosant au but. Il  y eut un éclair aveuglant, puis une seconde explosion beaucoup plus forte que la première. Je fus secoué par un terrible souffle de vent chaud. Il y eut encore un autre choc, mais moins sévère, apparemment un coup à côté. Puis un étrange calme revint. Les canons avaient cessé de tirer Je me relevai a regardai le ciel. Les avions ennemis étaient déjà hors de vue. »

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Bataille de Midway